La grotte d’Arma Veirana : aux origines des rites funéraires en Liguri
Tourisme archéologique été 2025
Située dans les contreforts des Alpes ligures, la grotte d’Arma Veirana est un site archéologique exceptionnel qui révèle une occupation humaine continue allant du Paléolithique moyen au Mésolithique. Cette cavité rocheuse, nichée dans la vallée de la Neva, témoigne de la complexité culturelle des populations néandertaliennes puis modernes, et abrite l’une des plus anciennes sépultures infantiles connues d’Europe : celle d’un nourrisson surnommé « Neve ».
Une grotte habitée par les Néandertaliens
Les premières traces humaines retrouvées à Arma Veirana remontent à plus de 50 000 ans, à l’époque du Paléolithique moyen. Les artefacts découverts — éclats lithiques, outils taillés, ossements d’animaux portant des marques de découpe — attestent d’activités de chasse et de boucherie pratiquées par des groupes néandertaliens.
Les niveaux moustériens de la grotte révèlent une occupation structurée, où l’on observe des zones spécialisées, probablement dédiées à la transformation du gibier, à la taille du silex, voire à certaines formes de stockage ou de dépôts intentionnels. Le site suggère également un usage saisonnier ou récurrent, intégré à un réseau territorial plus vaste.
La sépulture de Neve : un tournant du Mésolithique
En contrebas des couches néandertaliennes, les archéologues ont mis au jour une sépulture extraordinaire datant d’environ 10 000 ans, au tout début du Mésolithique. Il s’agit des restes d’un nourrisson de sexe féminin, décédée à l’âge de 6 à 8 semaines, baptisée symboliquement « Neve ».
Le corps avait été déposé dans une petite fosse creusée dans le sol de la grotte. Le squelette était relativement complet, en position dorsale, la tête tournée vers l’ouest. Autour d’elle, les archéologues ont retrouvé un ensemble d’objets funéraires remarquables : plus de 60 perles en coquillage, des pendentifs soigneusement façonnés, une griffe de rapace, ainsi que des vestiges textiles ou organiques associés.
Un témoignage rare de funérailles mésolithiques
La richesse du dépôt funéraire contraste fortement avec l’âge de l’enfant, encore trop jeune pour avoir occupé une place active dans la communauté. Cela souligne l'importance symbolique conférée à l’individu dès les premières semaines de vie. Les objets retrouvés portent des traces d’usure prolongée, indiquant qu’ils ont pu appartenir à des membres plus âgés avant d’être transférés dans le cadre du rituel.
Certains éléments laissent penser que l’enfant a été enterrée dans un porte-bébé orné ou un vêtement rituel. L'ensemble funéraire traduit un soin particulier et une intentionnalité marquée : le geste dépasse la simple disposition du corps et engage la communauté dans une pratique symbolique codifiée.
Stress prénatal et analyse biologique
Les analyses réalisées sur les dents ont permis d’identifier deux épisodes de stress physiologique in utero, probablement dus à des carences ou des infections contractées par la mère. Malgré son très jeune âge, Neve a fait l’objet d’un traitement rituel élaboré, traduisant peut-être une forte charge émotionnelle liée à sa perte.
Son profil biologique, déterminé par des techniques avancées d’analyse osseuse et dentaire, correspond à celui des populations mésolithiques européennes, liées à un mode de vie de chasseurs-cueilleurs nomades.
Une continuité culturelle dans le temps
L’étude des objets accompagnant la sépulture de Neve révèle des liens symboliques avec des traditions plus anciennes, notamment celles du Gravettien. Le port de parures en coquillage, l’usage de symboles animaliers et les soins apportés aux défunts, même très jeunes, suggèrent une continuité dans les conceptions du corps, du statut et de l’au-delà.
Cette sépulture est d’autant plus significative qu’elle intervient à une période de transition, marquée par des changements environnementaux profonds et une réorganisation des modes de vie. Elle montre que, malgré ces bouleversements, certaines valeurs et pratiques rituelles ont persisté ou évolué avec souplesse.
Un site-clé pour comprendre la préhistoire européenne
Arma Veirana se distingue comme un carrefour entre deux mondes : celui des derniers Néandertaliens et celui des premiers groupes humains modernes en Méditerranée occidentale. En réunissant les traces d’occupations paléolithiques et mésolithiques, elle offre une vision d’ensemble rare sur les dynamiques culturelles de la fin de la Préhistoire.
L’enfant Neve devient ainsi une figure emblématique de cette continuité, à la croisée de l’histoire biologique, culturelle et symbolique des sociétés anciennes.
La grotte d’Arma Veirana ne livre pas seulement des fragments d’os ou des éclats de silex. Elle raconte une histoire profondément humaine : celle d’une fillette honorée dans la mort, celle d’un lieu de vie et de mémoire transmis à travers les âges. Ce site, à la fois modeste et fondamental, éclaire d’un jour nouveau les liens entre les vivants et leurs morts, entre les générations passées et l’héritage qu’elles nous ont laissé.
Erli, Savone, Ligurie, Italie
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